N° 54 - Janvier/Février 2014
ISSN : 1772-7200
L’au-delà. Images de brasiers aux supplices innombrables, visions idylliques des félicités réservées aux justes… Mais encore? Pétri de culture chrétienne, fût-ce sans en être pleinement conscient, l’homme occidental tend à associer, de manière très restrictive, l’au-delà à ces deux lieux antithétiques, le paradis et l’enfer. Ces espaces dédiés à la récompense et au châtiment sont ancrés dans notre imaginaire. Pourtant, ce ne sont pas les seuls lieux que l’on ait inventés, conceptualisés à travers le monde. Les religions n’ont jamais manqué d’inspiration en la matière! Des points communs se retrouvent d’une civilisation à l’autre, mais des différences aussi, liées à l’histoire, à la culture, au contexte propres à chacune. C’est un panorama, inévitablement superficiel – le sujet est si vaste! –, de ces diverses représentations du monde de l’après-mort que proposent les prochaines pages.
«Peut-être doit-on craindre que l’âme, une fois séparée du corps, n’existe plus nulle part, et qu’elle ne soit détruite, et ne périsse, le jour où meurt l’homme. Dès le moment de la séparation, dès qu’elle sort de lui, peut-être se dissipe-t-elle comme un souffle ou comme une fumée, et s’envolant ainsi, n’est-elle plus rien nulle part?» C’est ainsi que Cébès s’adresse à Socrate dans le dialogue platonicien du Phédon (69e-70a). Cette réplique est inspirée d’un passage de l’Iliade où Achille, qui vient de perdre son ami le plus cher, voit l’âme de Patrocle le visiter en rêve: «[Achille] tend les bras, mais sans rien saisir: l’âme, comme une vapeur, est partie sous terre, dans un petit cri. […] Il frappe ses mains l’une contre l’autre et dit ces mots pitoyables: ‘Ah! point de doute, un je ne sais quoi vit encore chez Hadès, une âme, une ombre, mais où n’habite plus l’esprit.’» Il y a de quoi être saisi d’effroi: de l’homme après sa mort, il ne resterait plus rien qu’une ombre, un «je ne sais quoi» incapable de penser, incapable de sentir… Les textes et les arts de l’Antiquité classique ne se sont toutefois pas contentés de cette vision évanescente. Ils ont dressé des lieux de l’au-delà des tableaux détaillés, multiples et toujours correlés à une conception précise du devenir du défunt.
Auteur : Christopher BOUIX
Magazine : Religions & Histoire n° 54 Page : 36-39