N° 54 - Janvier/Février 2014
ISSN : 1772-7200
L’au-delà. Images de brasiers aux supplices innombrables, visions idylliques des félicités réservées aux justes… Mais encore? Pétri de culture chrétienne, fût-ce sans en être pleinement conscient, l’homme occidental tend à associer, de manière très restrictive, l’au-delà à ces deux lieux antithétiques, le paradis et l’enfer. Ces espaces dédiés à la récompense et au châtiment sont ancrés dans notre imaginaire. Pourtant, ce ne sont pas les seuls lieux que l’on ait inventés, conceptualisés à travers le monde. Les religions n’ont jamais manqué d’inspiration en la matière! Des points communs se retrouvent d’une civilisation à l’autre, mais des différences aussi, liées à l’histoire, à la culture, au contexte propres à chacune. C’est un panorama, inévitablement superficiel – le sujet est si vaste! –, de ces diverses représentations du monde de l’après-mort que proposent les prochaines pages.
La Bible hébraïque ne connaît pas d’enfer, c’est-à-dire un lieu eschatologique où les méchants sont punis par le feu. Elle connaît cependant le Shéol, endroit lugubre où tous les morts se rendent pour connaître le sommeil ou une survie larvaire, sous forme d’ombres. Elle mentionne aussi la vallée des fils de Hinnom (ge ben hinnom), ou Tofèth, lieu proche de Jérusalem où l’on sacrifiait des enfants à Moloch en les brûlant. En lien avec cette vallée ou indépendamment d’elle, le texte biblique évoque enfin la punition des pécheurs ou des Nations par le feu. Tous ces éléments, ainsi que, peut-être, des influences extérieures (perses et grecques) ont contribué à l’apparition de l’enfer dans le judaïsme postérieur. Ils lui ont également donné son nom: la géhenne (gehinnom), forme contractée de l’expression biblique ge ben hinnom. Le terme, présent dans certains écrits apocalyptiques ainsi que dans le Nouveau Testament, est fréquemment utilisé dans la littérature rabbinique. Même s’ils affirment que Dieu aurait montré la géhenne à Abraham et à Moïse, les rabbins se réfèrent rarement à l’expérience directe pour décrire ses différents aspects; ce point les distingue des auteurs des apocalypses. Ils donnent plutôt l’impression de tirer tout leur savoir de l’interprétation des versets bibliques, notamment ceux qui se réfèrent au Shéol, qui est pour eux un synonyme de la géhenne. On notera toutefois que les conceptions rabbiniques en matière de punition eschatologique sont loin de se réduire aux traditions qui mettent en scène la géhenne.
Auteur : José Costa
Magazine : Religions & Histoire n° 54 Page : 44-47