N° 5 - Avril 2011
ISSN : 1772-7200
Le tournant des XIIe et XIIIe siècles constitue une époque de changements profonds dans la société médiévale. Tandis que les villes se développent au rythme du commerce, une première renaissance culturelle s'épanouit dans un contexte relativement propice – ni guerre durable ni grande épidémie ne frappent alors les populations d'Europe de l'Ouest. Une piété particulière voit le jour, portée par le rêve d'un retour à l'idéal évangélique de pauvreté et de diffusion de la Parole. Deux hommes, nés presque en même temps, l'un en Espagne, l'autre en Italie, vont incarner cette tendance nouvelle, chacun à sa manière. Doués d'un prestige immense de leur vivant, rapidement sanctifiés par l'autorité papale, Dominique et François sont à l'origine de nouveaux ordres non monastiques, ouverts sur le monde laïque et leur temps, voués à un essor extraordinaire : les ordres mendiants.
« J'ai entendu dire par un vieux frère qui était entré dans l'ordre du temps de saint François, que saint François de son vivant disait : ?Mes frères seront d'abord des fruits doux, puis insipides, puis amers et enfin ils retourneront à leur première douceur.? Les trois premiers ont été accomplis. En effet, à partir de la canonisation de saint François, pendant plusieurs années, les frères eurent la faveur des prélats, des princes, des clercs et des laïcs. Ensuite, cette faveur fut réduite, et ensuite, au temps de Boniface VIII, pour beaucoup, elle s'inversa totalement. » Tel est le constat amer que dresse le franciscain Nicolas de Lyre au début du XIVe siècle dans sa Prière en l'honneur de saint François. Il est vrai que du point de vue de leurs rapports avec l'Église, les premières décennies de ce siècle furent difficiles pour les cordeliers dont les débuts, au XIIIe siècle, avaient été plus sereins, comme pour l'ensemble des ordres mendiants.
Auteur : Sophie Delmas
Magazine : Religions & Histoire hors-série n° 5 Page : 72-77
Date : 28/03/2011