N° 38 - Mai/Juin 2011
ISSN : 1772-7200
Au mois de mai découvrez dans votre revue d'histoire des religions : Confucius, du mythe à l'histoire Il est des figures de l'histoire qui appartiennent au patrimoine universel. Confucius en est une. Maître Kong (en chinois Kongzi) et sa philosophie, sans cesse reprise, étudiée, transformée, ont traversé les siècles, entre gloire et rejet. La Chine qui renoue aujourd'hui avec le Sage ne l'a en effet pas toujours adulé. Prise entre les courants bouddhistes et taoïstes, utilisée à des fins politiques, honnie au nom d'une idéologie communiste qui souhaitait faire table rase d'un passé jugé aliénant, la pensée confucéenne présente une myriade de facettes où se reflètent les temps, les cultures, les systèmes qui l'ont exploitée. Nourri de tous ces apports, le confucianisme entreprend aujourd'hui de conquérir le monde en sourdine. Quant à Confucius, le grand méconnu, on lui construit une nouvelle identité, adaptée au goût du jour. Mais, il importe de le rappeler, le Maître est de ceux que l'on ne connaîtra jamais vraiment. Son être historique nous échappe, faute de sources contemporaines. Il est mythe et légende, reconstruction sans cesse réitérée. Reste la possibilité, ô combien stimulante, d'étudier sa postérité et ses mille et un portraits réinventés à partir de textes, de traditions et d'une œuvre, supposée ou réelle. Entre histoire, philosophie et religion.
Au XVIIe siècle, lorsque les jésuites commencent à expliquer le confucianisme aux Européens, ils le présentent comme une doctrine rationnelle de l'État et de l'ordre, relative au monde d'ici-bas, qui se démarque avantageusement de la superstition générale imprégnant les deux grandes religions chinoises, le bouddhisme et le taoïsme. Confucius fut un philosophe et non un fondateur de religion ; il a souligné l'importance des rites, moyen d'ordonner la vie communautaire des hommes tout en se tenant éloigné du surnaturel. L'action du confucéen se limite donc surtout à son environnement social et ne concerne pas l'au-delà. Pour étayer leur point de vue, les jésuites peuvent se référer à toute une série de déclarations du Maître lui-même, consignées dans les Entretiens. Pourtant, si l'on considère la complexe histoire du confucianisme dans la Chine impériale, la représentation d'un Confucius philosophe dont l'action et la doctrine s'inscriraient uniquement dans le monde présent paraît soudain beaucoup trop étroite.
Auteur : Hans Van Ess
Magazine : Religions & Histoire n° 38 Page : 46-49
Date : 26/04/2011