N° 21 - Juillet/Août 2008
ISSN : 1772-7200
Si le jaïnisme est l'une des trois grandes religions de l'Inde, aux côtés du bouddhisme et de l'hindouisme, il est pourtant moins connu que ces derniers. Cela tient sans doute aux points communs qu'il partage avec le bouddhisme ancien : même région d'origine, l'est de l'Inde ; mêmes milieux, les familles princières ; même époque, vers le VIe-Ve siècle avant notre ère ; mêmes préoccupations, une religion et une philosophie qui ont pour origine des maîtres humains – les Jina, ?Vainqueurs?, pour le jaïnisme -, et qui visent à libérer l'être humain du cycle infini des réincarnations (samsâra) ; organisation analogue de communautés centrées autour de religieux dont la subsistance n'est assurée que grâce au soutien matériel des fidèles laïcs. Pourtant, le jaïnisme constitue une tradition bien distincte dont l'originalité incontestable a été établie vers la fin du XIXe siècle par la recherche occidentale. À la différence du bouddhisme, il s'est maintenu en Inde jusqu'à nos jours. Sa présence économique, intellectuelle et religieuse est sans commune mesure avec l'effectif de la population qui se dit jaïne : 0,4%, soit un peu plus de quatre millions sur une population totale de plus d'un milliard d'Indiens. Les jaïns se plaisent à souligner la modernité de leur doctrine : la non-violence (ahimsâ) et la solidarité du monde vivant définissent pour eux une écologie avant l'heure. Encore peu ou mal connus, souffrant d'une image parfois caricaturale, les Quakers de l'Orient, les capitalistes sans capital, comme on les a surnommés, méritent de susciter intérêt et respect : ils sont une composante fondamentale du passé, du présent, et, n'en doutons pas, du futur de l'Inde.
Selon une conviction profondément enracinée, le jaïnisme considère que l'interaction violente entre l'âme incarnée dans un corps (le jîva) et le monde matériel est responsable de sa dégradation. Échapper à ce processus sans commencement implique donc de renoncer à l'action et d'atteindre un état d'isolement. Mais il faut prendre garde de ne pas confondre l'idéologie du salut avec la réalité de la société. Depuis deux millénaires et demi, les jaïns participent activement aux développements politiques et aux débats intellectuels de l'Inde.
Auteur : DUNDAS Paul
Magazine : Religions & Histoire n° 21 Page : 46-49