N° 19 - mars/avril 2008
ISSN : 1772-7200
À l'époque glorieuse de Nabuchodonosor et de ses successeurs, Babylone est le centre du monde terrestre et cosmique, et Mardûk en est le dieu suprême. On pouvait y contempler des réalisations colossales, tels ziggurat et jardins suspendus, et des cérémonies grandioses y étaient organisées, dans lesquelles dieu et souverain trônant recevaient honneur et gloire de la part des peuples et de multiples divinités. Durant les douze jours des cérémonies du Nouvel An, pendant lesquelles étaient célébrées la création et la fondation mystique de Babylone, par exemple, se multipliaient les marques de déférence des grands dieux du pays, déplacés par le biais de leur statue et venus occuper les chapelles ou lieux de culte qui leur étaient destinés dans le cœur mystique de la ville. C'est dire le prestige qu'on accordait à cette cité et l'ascendant qu'elle exerçait sur ses contemporains.
Malgré sa chute en 539 et la perte de son autonomie politique, la ville ne déclina pas et demeura, jusqu'au début de notre ère, un conservatoire de la culture mésopotamienne. Certains rédacteurs de la Bible et historiens de l'Antiquité classique en captèrent des souvenirs épars dans leurs écrits, mais rapidement les légendes s'en emparèrent. Certes les livres historiques de la Bible, lorsqu'ils relatent notamment la déportation de l'élite juive à Babylone, livrent des faits réels mais engendrèrent aussi, parallèlement, le mythe Babel/Babylone, ville de la confusion, du Mal et de l'oppression. Saint Augustin y voyait une avant-Rome, dévorée du désir de dominer et esclave de sa convoitise ; Luther, un lieu manifeste d'oppression, homicide de Jérusalem. On en oublia que trop l'héritage dont bénéficièrent nos civilisations. En effet, de nombreux phénomènes culturels et religieux ont vu le jour dans l'Orient ancien et certaines religions en constituent une maturation originale. Dans ce dossier, l'attention sera particulièrement accordée au christianisme, qui, par sa conception du transcendant et de l'homme ainsi que par sa volonté de rencontrer la divinité, s'enracine plus que toute autre religion dans cette fascinante tradition mésopotamienne.
Magazine : Religions & Histoire n° 19 Page : 22-59