N° 15 - juillet/août 2007
ISSN : 1772-7200
Il existe toujours dans les rapports de l'homme à la nature et des hommes entre eux quelque chose qui relève de la transcendance. C'est le domaine de la religion au sens large, englobant les croyances, les mythes, les spiritualités et les religions dans l'acception exacte du mot qui implique l'intervention divine et une pratique codifiée par des textes. La religion au sens large est l'objet de cette nouvelle revue. Il s'agit non pas de la religion vécue ni de l'insertion de la religion dans le monde contemporain, mais de la religion objet d'observation et de connaissance. Pour chaque domaine religieux nous avons fait appel à un ou plusieurs historiens dont les travaux sont notoires. Ces historiens composent le comité scientifique de la revue. La collaboration qu'ils nous ont apportée dès le début nous a permis de découvrir l'extrême richesse des connaissances actuelles, généralement méconnue parce que peu divulguée. Religions & Histoire, se tenant à l'écart des interprétations ou transpositions qui dénaturent toujours les faits historiques, demandera à des historiens d'exposer les connaissances acquises. Seul le scrupule de l'historien préserve pour le lecteur la liberté d'esprit qui lui permet de s'informer véritablement.
La littérature apocryphe fascine et inquiète, et ce n'est pas d'aujourd'hui. Parce que ces textes ne figurent pas dans nos bibles, parce qu'ils se prétendent cachés et secrets, ils font miroiter la possibilité d'accéder à des croyances autres que la doctrine officielle – celle diffusée puis imposée par la Grande Église, représentante de la religion officielle de l'Empire romain dès le IVe siècle.
Que nous apprennent ces textes sur la figure fondatrice du christianisme, Jésus ? En quoi diffèrent-ils des récits canoniques ? Le propos de ce numéro de Religions et Histoire est de montrer, à travers un échantillon de textes apocryphes, comment l'image de Jésus se construit, sur le plan littéraire et théologique, en tant que figure de référence. Concrètement, il s'agit de mettre en relief, pour chaque écrit, les traits caractéristiques de la figure de Jésus. Quel rôle joue-t-elle dans le processus de légitimation de chaque texte ? Quels traits ont été sélectionnés ou accentués dans ce but ?
Le regard que nous invitons à porter sur ces textes apocryphes - surtout des évangiles - ne vise pas à décrire exhaustivement l'hétérogénéité du continent apocryphe, ni à constituer un anti-Nouveau Testament. Il s'agit plutôt de montrer que la réflexion sur la figure de Jésus procède fondamentalement du même élan interprétatif que les écrits canonisés. Se nourrissant des convictions théologiques de leur milieu, ces écrits visent à définir une identité chrétienne face au judaïsme et face aux cultes gréco-romains. Enrobés dans les mêmes formes littéraires que le Nouveau Testament, les apocryphes distillent des saveurs théologiques inhabituelles.
Auteur : Marguerat Daniel - Frédéric AMSLER
Magazine : Religions & Histoire n° 15 Page : 22-71